A Davos, Shinzo Abe met en garde contre une escalade militaire en Asie Le Monde.fr | 23.01.2014
Si les économies européennes, hormis l'allemande, sont considérées à Davos comme encore convalescentes, Shinzo Abe, lui, n'a pas hésité, mercredi 22 janvier, à brosser un tableau triomphant du redressement japonais, qu'il a complété par un avertissement à peine voilé à la Chine et à son « expansion militaire ».
Pour le premier ministre japonais, qui a exposé en anglais devant le Forum économique mondial – dont la 44e édition se tient jusqu'au 25 janvier – les principes de l'« Abenomics », sa stratégie de réforme économique, « l'Asie est devenue le centre de croissance du monde » car « le Japon est entouré de voisins aux possibilités infinies », dont la Chine, l'Inde et la Russie. Si « la paix et la stabilité venaient à être troublées en Asie », a-t-il poursuivi, les conséquences pour le reste du monde seraient donc désastreuses.
Autrement dit, « les dividendes de la croissance ne doivent pas être effacés par l'expansion militaire » – une allusion très claire aux revendications de la Chine sur les îles Senkaku-Diaoyu, que lui dispute le Japon, à la zone de défense aérienne qu'elle a décrétée sur ce site et à la forte augmentation du budget chinois de la défense. La résolution des tensions ne peut se faire que par le dialogue, a ajouté M. Abe. AUCUNE FEUILLE DE ROUTE EXPLICITE AVEC LA CHINE
Une heure plus tôt cependant, au cours d'une rencontre avec des journalistes, notamment chinois, le premier ministre japonais s'était montré assez peu rassurant sur l'existence de ce dialogue : « Malheureusement, nous n'avons aucune feuille de route explicite avec la Chine, a-t-il dit. Un conflit ou une dispute peut très bien se produire tout d'un coup, par hasard. Il nous faudrait un canal de communication militaire. » Au cas où les choses n'aient pas été assez claires, le dirigeant japonais a rappelé qu'il y a cent ans, deux grandes puissances, l'Allemagne et le Royaume-Uni, commerçaient abondamment au moment où elles sont entrées en guerre. Comme la Chine et le Japon commercent aujourd'hui.
Shinzo Abe a également justifié sa visite, fin décembre 2013, au sanctuaire Yasukuni, où sont honorés les morts japonais de la guerre, par sa volonté de rendre hommage à tous les morts, une démarche « naturelle pour tout dirigeant mondial ». Loin de lui l'idée d'offenser la Chine et la Corée du sud, « deux voisins très importants », d'autant plus que « la Corée partage le même système démocratique et les mêmes valeurs que le Japon ». Quant à la situation économique du Japon, le premier ministre lui a promis un avenir radieux car son pays est « en train de se libérer de la déflation chronique ». « Ce n'est pas le crépuscule, mais une aube nouvelle qui se lève sur le Japon », a-t-il assuré, soudain lyrique. « Nous faisons repartir ce pays », un pays où même « les femmes vont briller » : Shinzo Abe calcule que la participation des femmes au travail pourrait faire augmenter le PIB de 16 % et veut confier 30 % des postes dirigeants aux femmes d'ici à 2020, année des Jeux olympiques de Tokyo. Il a même confié quelle avait été sa source d'inspiration sur ce sujet : Hillary Clinton.
• Sylvie Kauffmann (Davos, envoyée spéciale) Journaliste au Monde