Tepco semble incapable de gerer le desastre en cours
Face a l’aggravation de la situation, l’exploitant de la centrale demande l’aide des francais Areva, EDF et du CEA
Existe-t-il encore un espoir de stabilizer la situation à Fukushima-Daiichi, de reprendre progressivement le contrôle de la centrale et de limiter l'ampleur du désastre? Ou est-il trop tard pour enrayer le cours de la catastrophe ? Chaque jour révèle davantage l'impuissance de l'exploitant, Tokyo Electric Power Company (Tepco), dépassé par une crise dont rien ne semble pouvoir arrêter l'emballement.
Devant l'aggravation de la situation, l'exploitant a demandé l'appui technique du groupe français Areva. «Nous sommes en contact avec Tepco depuis le début de la crise, mais les choses se sont accélérées depuis environ trente-six heures », indiquait-on, lundi 28 mars, au siège d'Areva. Cet appel à l'aide, confirmé par le ministre de l'industrie, Eric Besson, intervient quelques jours après le refus du Japon d'accepter la livraison d'une cargaison de matériel français — dont des robots d'intervention développés par EDF, Areva et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) —, qui était restée clouée au sol.
Signe de la confusion qui règne sur place, Tepco a annoncé, dimanche 27mars, que l'eau accumulée dans la salle des turbines du réacteur 2 présentait 'un taux de radioactivité «10millions de fois plus élevé» que la normale. Avant de reconnaître, lundi, qu'il s'était trompé et que le niveau de radiation était en fait 100 000 fois supérieur à la normale, chiffre de toute façon énorme. Une erreur jugée « inacceptable » par le gouvernement japonais, de plus en plus critique sur la gestion de l'accident par l'exploitant.
D'autant qu en 2009, des géologues japonais avaient mis en garde contre le risque d'un tsunami majeur: ils rappelaient qu'en 1896 et en 1933, des vagues de 38 m et de 29 m s'étaient abattues sur la côte est du japon. Il n'avait été tenu aucun compte de cet avertissement: le mur de protection de la centrale, de 5,5 mètres de haut, avait été édifié en prenant comme référence un tsunami survenu au Chili en 1956.
L'état des réacteurs 1, 2 et 3 inspire des inquiétudes grandissantes, même si une connexion électrique a été rétablie et que l'exploi tant injecte désormais dans les cuves de combustibles de l'eau douce, et non plus de l'eau de mer.
La forte radioactivité mesurée dans l'eau qui s'est répandue dans le bâtiment du réacteur 2 « semble due à la fonte des assemblages de combustible qui sont entrés en contact avec l'eau qui sert à refroidirle réacteur», a indiqué le porte-parole du gouvernement, Yukio Edano. «La radioactivité est pour l'essentiel contenue à l'intérieur du bâtiment du réacteur», a-t-il ajouté, même s'il est vraisemblable que l'enceinte de confinement de cette unité, de même que celle du réacteur3, ne sont plus étanches.
«Combustible dégradé »
La situation n'est pas moins précaire sur le réacteur 3. En fin de semaine, Tepco jugeait «possible que la cuve contenant les barres de combustibles soit endommagée». Estimant désormais cette hypothèse «peu probable» à ce stade, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) français continue néanmoins à étudier « l'éventualité d'une rupture de la cuve suivie d'une interaction entre le corium [coeur fondu] et le béton». Et, sur le réacteur 1, il estime que «le combustible a été très fortement dégradé».
Tepco n'est plus seulement confronté à l'urgence de remettre en marche les circuits de refroidissement normaux, mais aussi à celle d'évacuer l'eau extrêmement radioactive qui s'est accumulée dans les bâtiments des turbines. Selon les calculs de l'IRSN, l'ordre.de grandeur du débit de dose reçu au contact de cette eau est de 1 sievert par heure, soit mille fois la dose annuelle maximale autorisée pour le public. Cette eau semble pour l'instant contenue dans les bâtiments et l'exploitant envisage d'aménager des bassins de confinement, mais il n'est pas certain que des rejets en mer puissent être évités.
«Il faut désormais faire la part du feu, entre la nécessité de refroidir les réacteurs et celle de ne pas rajouterà la radioactivité en mer», commente Thierry Charles, directeur des réacteurs nucléaires à l'IRSN. Un niveau d'iode radioactif 1150 fois supérieur à la limite autorisée a été mesuré près de la côte, à une trentaine de mètres de la centrale.
Le vice-président de Tepco, Sakae Mûto, l'a avoué lundi: «Nous n'avons pas de calendrier concret nous permettant, actuellement, de dire dans combien de mois ou d'années la crise sera terminée.»
L'état de la centrale le lundi 28 mars
N° 1- Etat critique. Coeur partiellement endommagé. L'exploitant a cessé d'injecter de l'eau de mer, celle-ci ayant été remplacée par de l'eau douce. Présence massive de sel dans le réacteur fragilisant la pérennité du refroidissement. De l'eau fortement contaminée a été découverte dans la salle des machines.
N° 2 - Etat critique. Coeur partiellement en fusion. L'exploitant a cessé d'injecter de l'eau de mer, celle-ci ayant été remplacée par de l'eau douce. Doutes sur l'étanchéité de la cuve. Niveau de radiation trop fort pour permettre le travail des employés sur place. De l'eau fortement contaminée a été découverte dans la salle des machines.
N° 3 - Etat critique. Le coeur a partiellement fondu. D'importantes fumées se sont échappées le 23 mars de l'installation, laissant penser que la cuve n'est plus intègre et que le coeur en fusion du réacteur a déjà attaqué le béton sous-jacent. De l'eau fortement contaminée a été découverte dans la salle des machines.
N° 4 – A l’arrêt avant le séisme. Partie supérieure du batiment endommagee. Risque de decouvrement du combustible use. De l’eau a ete decouverte dans la salle des machines.
N°5 et 6 - Réacteurs à l'arrêt avant le séisme. Stabilisation de la température dans les piscines. Percement des toitures pour diminuer le risque d'explosion d'hydrogène.