Nouvelle découverte d’eau extrêmement radioactive et de plutonium: l’expoitation apelle à l’aide.
Le jeu de mikado des poutrelles à enlever sans aggraver la situation des piscines sera un défi précédent.
Par SYLVESTRE HUET
Au secours.» C'est l'appel à l'aide lancé hier par Tepco (Tokyo Electric Power) aux industriels du nucléaire, français en particulier, qui résume le mieux l'évolution de la situation à Fukushima. Dans la centrale dévastée par le séisme et le tsunami, la lutte engagée pour stopper le développement de la catastrophe nucléaire va de «mauvaise surprise en mauvaise surprise», admet-on chez les spécialistes. Jeudi, c'était la découverte d'une inondation d'eau très fortement radioactive dans les salles des machines. Là où se trouvent les turbines, et où des ouvriers devaient installer des câbles électriques pour tenter de redémarrer les systèmes de refroidissement des réacteurs. Or, cette eau affiche un sievert par heure-un niveau de radiation mortel en quelques heures d'exposition. Impossible donc d'y travailler avant d'avoir trouvé un moyen pour pomper cette eau et la mettre ailleurs.
TRANCHÉES. Hier, c'était d'abord la découverte que cette eau fortement radioactive se trouve aussi dans des tranchées, auxquelles on accède par des regards (trappes), jusque près de la mer. Puis, en début de soirée, c'est l'annonce par Tepco que du plutonium a été découvert en cingendroits du site de la centrale. Il s'agit des isotopes 238, 239 et 240. Viennent-ils des réacteurs 2 et 3, confirmant ainsi que toutes les barrières de confinement ont cédé? «Nous pensons qu'il y a une forte probabilité qu'au moins deux des échantillons aient un lien direct avec l'accident survenu à la centrale», a déclaré Tepco. L'affirmation qui suit = «la faible concentration ne présente pas de danger pour la santé» -, est pour l'instant invérifiable, d'autant que Tepco n'a donné aucun chiffre sur la quantité de plutonium trouvée, et se contente de la qualifier «d'infime».
L'opérateur japonais a juste précisé que le taux de plutonium retrouvé dans les cinq prélèvements était équivalent à celui détecté au Japon après des essais nucléaires effectués par la Corée du Nord. Si c'est vrai, il s'agit donc de traces.
Que signifie l'appel à l'aide lancé par Tepco? Que les critiques sur la gestion autiste de la crise nucléaire, au Japon et ailleurs, par la compagnie et le gouvernement japonais portent leurs fruits? Que les ingénieurs, qui tentent d'empêcher l'accident de s'aggraver encore, ne savent plus à quel scénario se raccrocher? Du côté d'Areva, on affirme que cet appel à l'aide se porte en priorité sur «des idées», avant de porter sur du matériel. Et qu'il n'est pas prévu que des employés d'Areva se rendent sur relies le site contaminé. Des idées pour quoi? Pomper et traiter cette eau radioactive, probablement. Monter des scénarios alternatifs à celui tenté par les ingénieurs et techniciens japonais depuis le début... Mystère.
Tous les spécialistes savent depuis le 12 mars-avec la décision d'évacuer sur 20 km autour de la centrale prise par le Premier ministre japo- nais - que cet accident va être un long cauchemar. Il ne s'arrêtera pas de sitôt, même si les Japonais parviennent à empêcher les coeurs en fusion de déclencher de nouvelles explosions de vapeur ou d'hydrogène s'ils percent franchement-ce qui est peut-être déjà le cas pour le réacteur numéro 3- des cuves qui fuient, puis les radiers en béton.
PONT ROULANT. Ce danger écarté, il faudra en effet trouver des solutions pour atteindre les piscines des quatre réacteurs et les vider de leurs combustibles usés et bourrés d'atomes radioactifs. Or, ces piscines sont au minimum endommagées. Et pour trois d'entre elles recouvertes d'un amas redoutable de poutrelles de béton et de métal, avec un pont roulant probablement en travers. Le tout menaçant de surcroît, et à chaque instant, de s'écrouler.
La seule décontamination nécessaire pour conduire un tel chantier fait frémir. Le jeu de mikado des poutrelles à enlever sans aggraver la situation des piscines sera un défi sans précédent. Or, tant que ces piscines ne seront pas vidées de leurs combustibles, la machine infernale - perte de refroidissement, ébullition, manque d'eau, dénoyage des combustibles, émission de radioactivité-menacera de repartir. Un long, long cauchemar.