また転載させていただきました。有難うございます。
今回は単独ではなく、その後の日本の事情も、私なりに組み立てさせていただきました。
この記事は、労働者の権利擁護がはるかに進んでいるフランスの様子がが伺えるような、労働者の立場に立った良心的・好意的な報道だと感じます。
では、また。
De < nouveaux pauvres > se passionnent pour la littérature prolétarienne
Article paru dans l'édition du 11.07.08
「新たなる貧困層」がプロレタリア文学に夢中になる。
蟹工船の男たちのように、若い不安定労働者は自分の個性が奪われて、取替え可能で、「使い捨て」られる存在になっていくように感じているのである。彼らのなかのある部分は、組合の芽をつくることで対抗しようとしているが、大多数の労働者は孤立したままである。
保守的な月刊誌である文芸春秋(7月号)の記事のなかで、学生による体制批判の第2期である1970年代の思想的支柱の一人であった評論家で詩人の吉本隆明が、不安定労働者の間での蟹工船の成功を、「1945年の敗戦いらい貧困のあらたな段階に日本列島が突入する」兆候であると見ている。すなわち「日本人はもはや飢えることはないが、物質的および精神的貧困に直面した。そして若者のある部分は、蟹工船の男たちのなかに自分を見出し、自分たちも罠で捕らわれたと感じている」と。
小林多喜二が学生時代をおくった小樽商科大学(北海道)が、2008年に彼の没後75年を記念してエッセー・コンテストを開催した。受賞者は、不安定労働市場で転職を繰り返していた25歳の若い女性であった。彼女は次のように書いている。「蟹工船の男たちは奴隷のように働いた。しかし彼らは、自分たちの闘いを共有した。今日私たちは一人ひとりばらばらに、見えない手によって『引きずり下ろされていく』。そして隣の人を闘う仲間としてではなく、ライバルとして見ている。」
プロレタリア文学の豊かな潮流の中で大きな位置を占めるこの偉大な作品は、Jean-jacquesTschudin(日本における戦前の民衆文化についての、興味をそそる三部作の編集を指揮した)が、彼の研究を捧げた雑誌Les Semeurs(種まく人々)にとりあげられた。(College de France, 1979 )。蟹工船によって、今日の若い不安定労働者は、自分たちの運命が歴史のなかに刻まれることを発見した。
Philippe Pons
Le Bateau-usine de crabes, de Takeji Kobayashi (1903-1933), est un des chefs-d'oeuvre de la littérature prolétarienne des années 1930. Régulièrement republié à 5 000 exemplaires, le roman a été tiré cette année à 50 000 et il figure en bonne place sur les présentoirs des librairies, occupant régulièrement une des trois premières places dans le classement des meilleures ventes des rééditions en livre de poche. Simple redécouverte d'un classique ? Sans doute. Mais ce qui est inattendu ce sont les lecteurs : des jeunes précaires, ceux que l'on nomme aussi parfois les « nouveaux pauvres ».
Agés entre 20 et 30 ans, ils sont rejetés sur le marché du travail à temps partiel. Ils se sentent pris au piège d'un avenir terne dont ils ont peu de chances de se dégager. La formation au Japon s'acquiert largement au sein de l'entreprise. Passer d'un travail à un autre n'est pas la meilleure manière d'en acquérir une. Aussi les « perdants » sont-ils destinés à rester des perdants. Deux millions de jeunes sont dans cette situation : leur cas est devenu un problème social. Beaucoup sombrent dans un profond désarroi ; certains « explosent en vol ».
La rage meurtrière d'un précaire de 25 ans qui, le 8 juin, a tué sept promeneurs du dimanche à Akihabara, le quartier de l'informatique et des jeux vidéo de Tokyo, a plongé le Japon dans la consternation : au-delà de sa dimension pathologique, cette tuerie indiscriminée met tragiquement en lumière l'isolement social de ces déclassés, souligne le criminologue Jinsuke Kageyama.
Que trouvent-ils dans le court roman de Takeji Kobayashi, écrit en 1929, moins de quatre ans avant que son auteur, militant communiste, soit arrêté et meure sous la torture de la police ? A quatre-vingts ans de distance, ces jeunes désorientés s'identifient apparemment au destin des hommes, parfois des adolescents, embarqués à bord d'un bateau-usine pour pêcher le crabe et le mettre en boîte dans la mer d'Okhotsk, qui, un jour, se rebelleront contre l'oppression et les violences dont ils sont victimes. Interdit dès sa parution, le livre ne fut republié qu'en 1948. Il n'en existe à notre connaissance qu'une traduction anglaise (The Factory Ship, University of Tokyo Presse, 1973).
« Il n'y a pas de héros dans ce livre, pas de personnage central. Le héros c'est un groupe de travailleurs », écrivait Takeji Kobayashi à son éditeur dans une lettre accompagnant le manuscrit qui commence par ces mots, lancés par l'un des protagonistes : « Allons, partons pour l'enfer ! »
L'auteur, reconnu après-guerre comme l'un des écrivains majeurs de sa génération, désigne les personnages par des surnoms ou leur lieu d'origine. Il ne décrit pas leur physique. Rien ne les distingue les uns des autres.
SYNDICATS EMBRYONNAIRES
Comme les hommes du Bateau-usine, les jeunes précaires se sentent dépouillés de leur individualité, interchangeables, « jetables ». Certains cherchent à réagir en formant d'embryonnaires syndicats. Mais la majorité s'isole.
Dans un article du mensuel conservateur Bungei shunju (juillet), le critique et poète, Ryumei Yoshimoto - qui fut dans les années 1970 un maître à penser de la génération post-contestation étudiante - voit dans le succès du Bateau-usine auprès des jeunes précaires le symptôme de « l'entrée de l'Archipel dans une nouvelle phase de pauvreté après la défaite de 1945 » : « Les Japonais n'ont plus faim, mais ils sont confrontés à une pauvreté matérielle et psychologique. Et certains jeunes se reconnaissent dans les hommes du Bateau-usine, eux aussi pris au piège. »
Lauréate d'un concours d'essais organisé par l'Université de commerce de Otaru (Hokkaïdo), où Takeji Kobayashi fit ses études, en cette année 2008 qui marque le soixante-quinzième anniversaire de sa mort, une jeune femme de 25 ans, ballottée sur le marché du travail précaire, écrit : « Les hommes du Bateau-usine travaillaient comme des esclaves mais ils avaient en commun leur lutte. Aujourd'hui, nous sommes «descendus» un par un par une main invisible et nous voyons dans notre voisin, non un compagnon de lutte, mais un rival. »
Ce grand texte du fécond courant de littérature prolétarienne eut sa revue, Les Semeurs, à laquelle Jean-Jacques Tschudin (qui a dirigé une passionnante trilogie sur la culture populaire d'avant-guerre au Japon, Philippe Piquier, 2007) consacra une étude (Collège de France, 1979). Grâce au Bateau-usine, les jeunes précaires d'aujourd'hui découvrent que leur sort s'inscrit dans une histoire.
Philippe Pons