Fukushirma: début du bras de fer pour l'indemnisation des victims
Les propositions de.Tepco, l'opérateur de la centrale, mécontentent les victimes et le gouvernement japonais. L'entreprise prévoit une hausse du prix de l'électricité pour financer les dédommagements Tokyo Correspondance
Critiquée pour son manque de transparence au début de la crise nucléaire de Fukushima, en mars, la compagnie d'électricité de Tokyo (Tepco) est désormais critiquée pour sa gestion des procédures de dédommagement des victimes de la catastrophe.
Si la reprise de contrôle de la centrale se déroulait comme prévu avec un arrêt à froid sécurisé des réacteurs début 2012, et si les personnes évacuées regagnaient leurs foyers au cours de l'exercice fiscal commençant le 1 avril 2012, ces compensations pourraient coûter entre 3 000 et 4 000 milliards de yens (entre 29 milliards et 38 milliards d'euros).
Mais la procédure pour bénéficier de ces dédommagements suscite de vives réactions. Beaucoup de victimes, dont un grand nombre a choisi de quitter le nord-est du Japon par crainte des radiations, avouent ne rien comprendre aux 6o pages de formulaires à remplir et à la notice explicative qui, elle, en compte 156.
«Même moi, qui suis avocat de formation, j'ai du mal à en saisir le contenu », a reconnu, lundi 26 septembre, le ministre de l'économie, du commerce et de l'industrie, Yukio Edano, au moment de l'inauguration de la commission chargée de superviser et de valider le plan de réforme de Tepco, attendu pour fin octobre et qui conditionne le soutien de l'Etat à l'entreprise pour le paiement des compensations.
Les plaignants - particuliers et entreprises—, dont le nombre pourrait se chiffrer entre 400 000 et 500,000, n'ont guère apprécié la clause selon laquelle ils devraient « renoncer à protester ou à déposer de nouvelles demandes » pour recevoir leurs indemnités.
Face aux critiques, Tepco, qui doit affecter 6500 personnes aux problèmes des compensations d'ici à octobre, a décidé de la retirer, mais l'entreprise n'a pas souhaité simplifier les procédures, et ce même si M. Edano a demandé aux dirigeants de la compagnie de réfléchir « du point de vue des victimes ».
Concrètement, l'entreprise a déjà versé,. en guise d'avance, un total 112,2 milliards de yens (1,1 milliard d'euros) à 150 000 personnes. Sur les montants complémentaires à régler, elle prévoit, entre autres, 50oo yens (48 euros) par personne et par déplacement effectué depuis le it mars ; jusqu'à 8 00o yens par nuit d'hébergement; ou encore de régler le man- que à gagner salarial induit par la catastrophe. En revanche, le grou- pe a reporté sa décision sur la question de la perte de valeur des pro- priétés, arguant d'une a impossibilité de mener l'évaluation».
« Même moi, qui suis avocat de formation, j'ai du mal â saisir le contenu» des dossiers Yuklo Edâno ministre de l'économie, du commerce et de l'industrie
Le financement de ces dédommagements fait l'objet d'un bras de fer entre les autorités et Tepco. Le gouvernement insiste sur les réductions de coûts et la cession d'actifs. Même si une baisse de 20 % a déjà été décidée, Yukio Edano veut une nouvelle diminution des rémunérations annuelles des salariés à 7,5 millions de yens (72000 euros), ce qui représente encore près du double de la moyenne nationale.
Les autorités insistent sur la vente d'une partie des avoirs de l'entreprise, estimés à 1100 milliards de yens, dont 36,4 % — actifs financiers, biens immobiliers, centres de soins — sont sans rapport avec la production d'électricité.
Tepco a déjà fait des proposi tions dans ce sens, ajoutant que les retraites de ses anciens salariés pourraient aussi baisser. Mais elles sont jugées insuffisantes par un gouvernement qui veut à tout prix éviter une hausse des tarifs de l'électricité.
La compagnie aurait propos: début septembre une augmentation de 10 % à 15% de ses prix, dès le ('avril 2012. Les calculs des experts laissent penser qu'elle est indispensable en raison de l'énormité des dédommagements. La loi oblige le ministère de l'économie, du commerce et de l'industrie (METI) à l'accepter. Mais M. Edano se montre réticent, craignant la réaction des consommateurs.
Cela d'autant plus que le prix de l'électricité au Japon, de 30 % supé rieur à celui de la France, est déjà l'un des plus élevés des pays industrialisés. Et la manière dont il est fixé reste floue.
Cité par le quotidien économi que Nihon Kéizai, un responsable du METI reconnaît que son admi nistration « n a pas le savoir-faire pour déterminer si le prix fixé est honnête ».
La loi autorise les opérateurs à décider des tarifs pour que leurs revenus dépassent leurs coûts, sous-entendu ceux de la production et de la distribution de courant, Si bien que certains se demandent, notamment, pourquoi Tepco a inscrit 11,6 milliards de yens de dépenses de publicité dans ses coûts opérationnels pour l'exercice 2010, un montant jugé élevé pour une entreprise en situation de monopole.