Le sanctuaire de Yasukuni envenime à nouveau les relations Chine-Japon Le Monde.fr | 15.08.2013
Le gouvernement japonais a rompu cette année avec sa tradition mémorielle, à l'occasion du 68e anniversaire de la capitulation nippone, ravivant les tensions avec la Chine. Contrairement à l'ensemble de ses prédécesseurs depuis une vingtaine d'années, le premier ministre, Shinzo Abe, n'a pas profité de son discours du 15 août pour exprimer les regrets du Japon vis-à-vis des souffrances infligées à l'Asie pendant la seconde guerre mondiale.
Il s'est contenté de rendre hommage aux victimes du conflit et d'assurer que le Japon allait "faire de [son] mieux pour apporter [sa] contribution à la paix dans le monde".
VISITE CONTROVERSÉE D'UN SANCTUAIRE MILITAIRE
Le gouvernement japonais a également étonné les observateurs en envoyant deux ministres au sanctuaire Yasukuni, considéré par les voisins du Japon comme le symbole de son passé militariste. "La consolation des âmes des victimes de guerre est une affaire purement nationale. Les autres pays ne doivent pas critiquer ou faire interférence", s'est justifié l'un d'eux, le président de la commission nationale de sécurité publique, Keiji Furuya.
Après quelques hésitations, Shinzo Abe a fini par renoncer à se rendre lui-même sur place, afin de ne pas envenimer davantage les relations avec la Chine. Il a néanmoins fait déposer une branche sacrée en offrande par l'un de ses collaborateurs en guise d'excuse. Un geste qui n'a pas manqué d'irriter Pékin, qui a "condamné fermement" la visite du sanctuaire et convoqué immédiatement l'ambassadeur nippon.
Pressentant la polémique, Shinzo Abe avait justifié le déplacement de ses ministres en expliquant qu'"il est naturel pour un dirigeant japonais de prier pour ceux qui ont sacrifié leur vie pour leur pays, à l'instar de ce que font les dirigeants des autres pays du monde".
PEARL HARBOR
Situé au cœur de Tokyo, le sanctuaire Yasukuni rend hommage aux quelque 2,5 millions de soldats japonais tombés lors des guerres modernes. Sa réputation sulfureuse vient de l'ajout en 1978 des noms de 14 criminels de guerre, condamnés par les Alliés après le deuxième conflit mondial. Parmi ceux-ci figure celui du général Hideki Tojo, premier ministre de l'archipel lors de l'attaque sur Pearl Harbor le 7 décembre 1941 qui précipita l'entrée en guerre des Etats-Unis.
Pendant la visite des ministres nippons, le lieu de culte shintoïste controversé était protégé par des centaines de policiers, et des militants d'extrême droite se tenaient à l'intérieur avec des drapeaux appelant la population à rendre hommage aux morts.
CONTEXTE SINO-JAPONAIS TENDU
Depuis son retour au pouvoir en décembre après un premier passage raté à la primature (2006-2007), M. Abe a fait augmenter le budget militaire du Japon et a prévenu qu'il voulait amender la Constitution pacifiste imposée au pays par l'occupant américain après la capitulation de 1945, ce qui suscite des craintes dans la région. Les relations du Japon avec ses voisins restent marquées par le souvenir des atrocités commises par les troupes impériales pendant la colonisation de la péninsule coréenne (1910-1945) et lors de l'occupation partielle de la Chine (1931-1945).